Le plateau d'Emparis est une merveille pour ses grands espaces, ses lacs, sa vue sur la Meije... Mais il est beaucoup plus discret quand l'hiver pointe le bout de son nez. C'est pourtant un décor sensationnel que nous sommes allés chercher lors d'une longue sortie depuis Les 2 Alpes.
Un dimanche de fin novembre. Le temps est encore assez sec aux 2 Alpes ; le froid lui a déjà bien pris ses aises. A 9h26, le départ entre frères n’est pas si tardif et trainer est proscrit pour éviter de glacer son corps. La mise en jambes est 600 mètres de dénivelé négatif sur un sol gelé jusqu’au lac du Chambon. A cette époque, le versant est très à l’ombre en début de matinée ce qui offre un profond air sombre au lac et ses reliefs avoisinants.
Le plateau se devine bien au loin, le chemin sera bien long ! La première étape est de grimper jusqu’au joli village perché de Mizoën. Le sentier qui débute est celui du mythique GR54, probablement un objectif pour bientôt… Ensuite, c’est une petite douceur : quelques kilomètres en balcon sur un joli chemin avec vue plongeante sur le lac. Cela alors que le soleil se dévoile enfin. L’envie de courir sur ce relief vallonné est tentant mais ce doit être modéré tant la route est encore longue.
Arrivés au refuge des Clôts, les choses sérieuses commencent. Un panneau de randonnée le retranscrit d’ailleurs bien : 900 mètres / 55 minutes. Moins d’1km/h annoncé ! Évidemment en mode trail on va bien plus vite (15min) mais ces pentes à 30% coûtent forcément quelques réserves. La nature est de toute façon toujours généreuse en nous dévoilant une nouvelle merveille : la Fontaine Pétrifiante.
Comme son concept la définit, elle donne l’impression de sortir de nulle part. Puis s’écoule délicatement le long des roches. L’allure lente donne le temps de l’apprécier, la contourner puis poursuivre le chemin non moins difficile qui suit. Car oui, ce 12ème kilomètre à 24% de pente moyenne est difficile, ce sera même le plus long de la sortie en 19 minutes. Les mollets tirent un peu mais la motivation est sans cesse plus forte en observant la fin de cette section difficile s’approcher. A 2200m d’altitude, nous voilà arrivés sur le plateau et ces pentes plus douces - mais pas inexistantes ! Derrière nous, la vallée et sa mer de nuages paraissent loin.
Après l’effort, le réconfort est de réduire le rythme le long de la jolie rivière qui sépare Isère et Hautes-Alpes. Au moment de la traverser - et de changer de région - la prudence est de mise pour mettre les pieds au bon endroit et ne pas tomber entre les pierres recouvertes de neige. Effectivement, nous sommes tellement montés que la neige est devenue la norme. Le chemin vers les lacs, à l’ombre, va accentuer la blancheur du sol. A cet instant, je me rappelle être passé pieds nus à ce même endroit la dernière fois. L’été est bien loin ! Mais courir - ou en l'occurrence marcher - dans la neige est tellement agréable... L’ascension se poursuit jusqu’au premier lac, celui du Cristallin. Vide ! Bon, nous continuons l’ascension jusqu’aux 2450m, point culminant de la sortie. Une belle quantité de neige offre un plaisir non dissimulable de courir dans la redescente vers un premier étang gelé magnifique.
Mais le lac Noir, le plus célèbre, est un peu plus loin. Le chemin invisible sous la neige se poursuit, sous l'œil de la Meije, qui nous observe presque sans cesse depuis le lac du Chambon. Et nous y voilà ! Une épaisse couche de glace le recouvre, si belle qu’on aurait envie d’échanger les noms avec le lac précédent, Cristallin.
Le chemin vers le 3ème lac au rendez-vous passe tout près d’une falaise absolument vertigineuse où on aperçoit la route du Lautaret dans l'étroite vallée, 1100m plus bas. Le lac Lérié, solidement gelé lui aussi, est différent car il offre plus de perspectives dans son panorama. En plus de la vue sur la Meije, encore et toujours là.
Et voici que les objectifs sont atteints ! Il ne reste plus qu’à rentrer. Soit 25km restants. La fin de la boucle des lacs se fait avec grand plaisir, courant dans la neige au rythme des discussions. Le retour en AURA me coûte un pied dans l’eau pendant la traversée. Après quelques secondes, la température glaciale fait finalement beaucoup de bien au pied fatigué. On se baigne en entier ? Non, le courage s’est aussitôt envolé ou plutôt déporté vers l’attaque de la longue descente vers Mizoën. 11km par une pente assez douce sur une route non goudronnée. Cela permet de mieux gérer son rythme et ses fibres musculaires qu’une descente technique. 2 écoles ici : je préfère varier mon allure pour détendre mes articulations quand mon frère choisit la régularité. Cela face à la mer de nuages qui a gagné en hauteur.
Au lac du Chambon, c’est le moment le plus redouté de la sortie : remonter 600m de dénivelé après 13km de descente et plus de 36km au total ! Nous choisissons de passer par la voie de secours et de s'attaquer à la montée du Cuculet. Dans le froid de la fin de journée, mes jambes trouvent des forces insoupçonnées et j’arrive à imprimer un bon rythme - pour les conditions. Après le hameau et la petite portion goudronnée, c’est le dernier terrible effort pour passer le cap des 40km : 310m de dénivelé à avaler en moins d’1,1km ! Le plus difficile est alors franchi, il ne reste plus qu’à rentrer sur la station - en courant parce qu’il fait très froid.
Le parcours est achevé : 43km en 6h30 (+35min de pauses). Une belle sortie pour les jambes mais quelle merveille pour les yeux ! Mer de nuages, la Fontaine Pétrifiante, neige, vue sur les Écrins, délicieux lac gelés miroirs…
Oui le plateau d’Emparis est extraordinaire. Mais aux portes de l’hiver, cela dépasse l’entendement 🙂
Comentarios